BAPN dépose plainte contre la plus grosse étude d’huissiers de Belgique
Le Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté et le Centre d’Appui-Médiation de Dettes ont déposé plainte, ce 25 septembre, avec constitution de partie civile à l’encontre de l’étude d’huissiers Modero Anvers du fait de pratiques illégales de recouvrement de dettes.
La plainte porte sur des dossiers à Bruxelles concernant le recouvrement des impayés pour la STIB et de Lijn, dans lesquels le Centre d’Appui a constaté que l’étude d’huissier Modero Anvers comptabilisait des frais illégaux. « Ces violations déontologiques et pénales sont hautement répréhensibles et doivent être condamnées de manière appropriée », déclare Anne DEFOSSEZ, Directrice du Centre d’Appui-Médiation de dettes. « Les huissiers de justice doivent être irréprochables et jouer un rôle exemplaire dans la société. À défaut, c’est la confiance des citoyens dans le fonctionnement du système judiciaire et de l’Etat de droit qui serait ébranlée. »
Les huissiers de justice doivent être irréprochables et jouer un rôle exemplaire dans la société. À défaut, c’est la confiance des citoyens dans le fonctionnement du système judiciaire et de l’Etat de droit qui serait ébranlée. Anne DEFOSSEZ, Directrice du Centre d’Appui-Médiation de dettes
Des huissiers de justice hors la loi
On pourrait croire que l’intervention d’un huissier de justice – qui est un officier ministériel assermenté soumis à des règles déontologiques strictes – est un gage du respect de la loi. Il n’en n’est rien. Depuis plusieurs années, nos associations constatent des abus flagrants de certaines études d’huissiers de justice ayant parfois pignon sur rue. Au nord comme au sud du pays, décomptes injustifiés, inexacts, et multiplication de frais abusifs se répètent. Dans la présente affaire, le Centre d'Appui-Médiation de Dettes et le BAPN dénoncent les frais illégaux réclamés par Modero Anvers pour des impayés de la STIB et de De Lijn. Les plaignants estiment que les pratiques de l’étude Modero tombent sous le coup des articles 243 et 245 du Code pénal qui punissent les faits de concussion et de prises d’intérêt commis par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions.
Abus à répétition
Les faits dénoncés sont loin d’être isolés. Une autre plainte a déjà été déposée en août 2023 à l’encontre de l’étude d’huissiers Modero Anvers pour des dossiers concernant des frais abusifs dans le recouvrement de créances (parking) pour la ville de Malines. Bien connus de la Chambre Nationale des Huissiers de justice et condamnés par elle, ces abus perdurent pourtant. On est en droit de s’interroger sur le contrôle réel exercé sur cette étude quand on sait par ailleurs que son fondateur est le président de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice. Sans amélioration du cadre législatif actuel, ces études continueront de développer un véritable business de la dette qui aggrave le surendettement des consommateurs.
De nombreux consommateurs concernés
Si à peine une dizaine d’études sont concernées par les abus constatés, ces dernières représentent une part substantielle du marché du recouvrement de créances. Elles occupent une place économique centrale, tant par leur taille que par leur chiffre d’affaires, et exercent une influence sur le fonctionnement des petites études qui n’ont pas d’autre choix que de collaborer avec elles. En développant des méthodes et procédures de traitement de masse, ces acteurs se sont taillé une place de choix sur le marché et exercent leurs activités à grande échelle dans de nombreux secteurs, publics et privés : télécoms, eau, énergie, hôpitaux, communes pour les redevances parking, écoles, etc. De très nombreux dossiers sont donc confiés à ces études, exposant un nombre conséquent de consommateurs à leurs fraudes et dérives.
Personne n’en sort gagnant
Les personnes les plus précarisées, socialement et/ou financièrement, sont les plus exposées à ces dérives : « Quand on regarde de plus près la nature des dettes, on voit qu’un grand nombre sont liées non pas à des crédits mais bien à des dépenses de première nécessité que les ménages n’arrivent pas à assumer faute de revenus suffisants : loyer, énergie, santé, etc. », souligne Caroline Van der Hoeven, coordinatrice de BAPN. « Les pratiques abusives de certains huissiers poussent ces ménages plus profondément dans la précarité. Or le créancier ne trouve aucun intérêt à cette situation, puisque la procédure de recouvrement s’en voit ralentie, aboutissant in fine dans une impasse. »
Les pratiques abusives de certains huissiers poussent ces ménages plus profondément dans la précarité. Caroline Van der Hoeven, coordinatrice de BAPN
Le Centre d'Appui-Médiation de Dettes et le BAPN espèrent par cette action envoyer un signal clair au législateur, aux huissiers, mais aussi aux institutions et entreprises qui recourent à leurs services.
Trouvez plus de détails et d’exemples étayant et illustrant les constats décrits ci-dessus dans :
- un article signé par le Centre d’Appui-Médiation de dettes : Les dérives du recouvrement de dettes des consommateurs, Revue Droits Fondamentaux et pauvreté, 2023/3
- une étude de l’Observatoire des prix : Le fonctionnement de marché du secteur des huissiers de justice, 2022, pp. 35 et suivantes